samedi 6 octobre 2012

5 raisons pourquoi pas Bell


Sylvain Labarre, président
Agence de publicité LG2



Bonjour Sylvain,

Tu as dû lire comme moi les chroniques de Pierre Foglia, dans La Presse, à propos de l’annonce de Bell, conçue par ton agence. Le titre: 5 raisons pourquoi tant de québécois choisissent Bell.

M. Foglia note avec raison que le texte doit se lire 5 raisons pour lesquelles tant de québécois choisissent Bell. Eh bien, surprise! La semaine suivante, des collègues publicitaires lui ont répondu que Mais oui, monsieur le chroniqueur, 5 raisons pourquoi est mieux reçu par le monde ordinaire que 5 raisons pour lesquelles, trop littéraire... . Wow! Dans les années 70, les Cyniques disaient Vivons heureux, vivons niaiseux! Il semble que cette blague soit devenue aujourd'hui une approche publicitaire.

J’ai mal à mes mots. J’ai été, il y a longtemps, rédacteur d’annonces de Bell, à l’agence Cossette. À l’époque, Bell prenait un soin maniaque de la qualité du français. L’entreprise disposait d’un service linguistique qui ne laissait rien passer. Nous devions sortir notre plus belle plume.

Pour la première fois, je suis soufflé de voir une agence en vue comme LG2 laisser passer une telle erreur, en format double page, et dans le titre, par-dessus le marché. Si on ajoute au message original de Bell le commentaire stupide des collègues rédacteurs, le message insinue maintenant : 5 raisons de promouvoir la pauvreté du français à des gens ordinaires, trop nonos anyway pour s'en rendre compte.

On peut critiquer les publicitaires de bien des maux, et avec raison, ils font en général du mauvais travail. Mais à ce point?

Les publicitaires ont l'habitude de prendre des licences avec la langue française, et j'en suis. Triturer des mots, tordre la syntaxe, créer des formules, mais dans le but de capter l'attention, jamais dans celui de propager la pauvreté. Le privilège d’occuper le champ de la communication publique est trop précieux, nous n'avons pas de droit d'en abuser.

Sur votre site, LG2 présente sa philosophie d’entreprise, Penser comme une marque. Si vous assumez vraiment ce que vous écrivez, je comprends maintenant pourquoi Bell ne pense pas loin.