lundi 28 octobre 2013

Ripoux Bell


On fait grande émotion dans les journaux de ce que Bell vende des renseignements personnels de ses clients à des annonceurs. Ceux-ci pour proposeront en retour de la publicité ciblée aux clients de Bell. Et nous devrions être inquiets? Si cela se trouve, ces manières se pratiquent déjà en secret par un grand nombre d’entreprises. Bell n’a dit tout haut que ce que plusieurs feraient tout bas.

Si cela se trouve aussi, Vidéotron, Rogers et Telus emboîteront le pas. Je n’aurai donc pas le choix, mes données personnelles seront vendues à des annonceurs. Tant mieux pour eux, je dors très bien.

Pour Bell, le client est un pourvoyeur d’argent, point final. Il m’a fallu huit mois et demi d’une guerre de tranchées, le couteau entre les dents, pour me débarrasser d’eux. Le jour où j’ai parlé à un représentant intelligent, je lui ai dit vous ne travaillerez pas longtemps chez Bell, vous êtes trop compétent. Aujourd’hui, ils ont trouvé une nouvelle source de revenus avec la vente des données personnelles de leurs clients. Bell mentalité.

On dirait parfois que nous aimons collectivement nous faire peur avec le gros méchant loup de George Orwell, de la vilaine sorcière qui va sortir du bois et nous transformer en crapaud. Comme si des gros méchants consultaient nos données dans une pièce noire éclairée à la chandelle et qu’ils aiguisaient leurs couteaux dans notre dos. Et puis après?

Je suggère plutôt que toutes ces données vont demeurer dans des disques durs et être utilisées par des gens moyens qui feront des interprétations moyennes pour être moyennement utilisées. Et pourquoi donc? Parce que notre société est remplie de gens moyens qui pensent moyen et qui produisent du travail moyen, comme ceux qui vendent les données de leurs clients à des annonceurs pour créer une nouvelle boucle de revenus. Et pourquoi cela? Parce que les entreprises en général ne visent pas l’excellence. Elles ne cherchent pas à se démarquer, mais à entrer dans le rang, à rejoindre la moyenne, la masse des consommateurs. En mathématiques, la portion centrale de la courbe de Gauss. Pour produire du moyen, les entreprises en général ne veulent pas des gens qui se démarquent, mais qui pensent comme tout le monde.

En huit mois et demi, j’ai parlé à une trâlée de gens moyens chez Bell. Et si mes données vendues à des annonceurs me valent une lettre de Shell ou d’Ultramar, vantant la qualité de leur essence, eh bien, la lettre ira rejoindre celle de Bell au recyclage.

Les données relatives à ma consommation générale et à mes habitudes de consommateur font partie de mon passé. Rien ne garantit que ces données servent à ces gens pour contrôler quoi que ce soit de ma vie. Dans la même veine, j’aime bien répondre à des sondages, ils ne sauront jamais si je dis la vérité.

Il y a une dizaine d’années, j’ai donné à un organisme d’aide aux enfants pauvres. Deux fois. Depuis, je ne compte pas le nombre d’organismes qui m’appellent pour me remercier d’avoir-aidé-leurs-enfants-dans-le-besoin-pauvres-handicapés-démunis-ils-vous-remercient-tellement-monsieur-Panneton-ils-ont-tellement-besoin-de-votre-aide. Depuis 10 ans, je leur dis non et chaque année, ils me remercient pour le don de l’année précédente. Et Bell serait en retard sur ces organismes?

Depuis que j’ai acheté un livre sur l’architecture, la librairie numérique amazon.ca m’envoie régulièrement des suggestions sur le même thème. Ils doivent penser que je suis un amateur d’architecture. Je suis intéressé par la géniale Phyllis Lambert, qui a conduit les travaux de construction du Seagram Building à New York, propriété de son père, Samuel Bronfman. Building Seagram traite non pas d’architecture, mais des couilles de Phyllis Lambert. C’est un livre d’anatomie, nonos. Allez expliquer ça à Bell.

Durant les huit dernières années, j’ai roulé en Volkswagen Passat. Je viens de changer pour une Jetta, plus petite. Les sceptiques ont été confondus. Le regard moyen de certains m’a demandé si j’allais bien. Je ne le leur ai pas dit, je préfère de loin ma Jetta actuelle à ma dernière Passat. Les gens de Bell ne comprendront jamais un tel raisonnement. C’est normal, leur objectif est de contrôler, donc, de ne pas écouter.
Et moi, plus je vieillis, plus je deviens libre.

Je ne suis pour ces gens qu’une statistique. Ils ne sont pour moi que du plastique.
Ils peuvent fouiller dans mes poubelles autant qu’ils le veulent, ils ne devineront jamais ce que je leur cuisine pour demain.






mardi 15 octobre 2013

30 secondes pour changer le monde


30 secondes pour changer le monde est certainement la meilleure émission portant sur la pub produite au Québec. Pour une fois, nous ne sommes pas dans les clichés de la pub gentille souriante et mièvre, dans les stéréotypes de publicitaires drogués flyés heureux. Ceux-ci sont inquiets.

Vraiment bien réalisée par Sophie Lambert, l’émission est produite par infopressetélé et diffusée sur les ondes de Télé-Québec. En 12 épisodes, on s’inquiète du sida, de la sécurité routière, de la violence conjugale, de l’environnement, du cancer du sein, de la drogue, du suicide, du poids, de l’alcool, du tabac, du jeu et de la pauvreté.

Cette émission ne parle pas de pub commerciale, mais de pub sociale. D’où l’engouement des publicitaires qui y participent. Ils ne causent pas de tôle à vendre, mais de morts dans des voitures, dont ces mêmes publicitaires vous ont pourtant déjà vanté les mérites.

Ce n’est pas de l’hypocrisie de leur part, mais une forme d’humanisme dans le temps. Le concepteur publicitaire est un artiste inachevé. Il prête son talent à une oeuvre qui sera signée par son annonceur. Sur le trottoir, personne ne se tourne sur son passage, alors que Serge Fiori, du groupe Harmonium, oui. Serge Fiori signe ses oeuvres.

Le concepteur publicitaire fonctionne sur commande. Il passe le plus clair de sa vie à vendre du dentifrice, des burgers, des chars et des bannières. On lui demande une pub de char, il en pondra durant des années. Ensuite, on lui demande une campagne sur la sécurité routière, il vous la pondra. Le concepteur publicitaire est la seule poule capable de pondre deux types d’oeufs, celui du poussin qui roule vite vite et celui de sa mère poule qui lui dit la vitesse tue.

Dans l’épisode portant sur l’environnement, Martin Ouellette. Le super à l’écran le dit publicitaire. C’est réducteur. Martin est certainement le plus génial de mes frères. Narcissique à souhait, le plus original communicateur de ma génération. Son discours est toujours à cheval sur le présent et le futur. Quand il cherche, Martin creuse la terre avec ses mains.

Regardez Martin, il a l’air torturé. C’est parce qu’il l’est. C’est ça, un communicateur. Il n’a pas les dents plus blanches que les vôtres, il ne roule pas dans carosse plus neuf que le vôtre. Son regard est meublé de châteaux, d’enfances, de motos et de seringues. Je me demande si Martin a le budget pour se brosser les cheveux. La couette rebelle est l’attrait de cette émission.

30 secondes pour changer le monde est un peu pute. L’émission fait découvrir le volet le plus agréable de la vie du publicitaire, la pub sociétale, celle qui vise à vendre non pas des salières ou des moteurs, mais une cause et un comportement. C’est la pub engageante, aussi bien pour celui qui la fait que celui qui la reçoit. Cette communication vise non pas la consommation, mais l’action.

La communication sociale est une course à relais. Le communicateur initie un projet qui sera prolongé par le citoyen. Un peu comme la publication d’un livre. Une fois publié, le livre n’appartient plus à son auteur, le public en fait ce qu’il veut. Dans la campagne 21avril.org, où 300 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Montréal, les citoyens ont pris le relais de Martin et du metteur en scène Dominic Champagne, la bougie d’allumage. La réponse des citoyens a dépassé les espérances des communicateurs. Pas de problème. Dans les mots de Martin, le communicateur gagne s’il perd le contrôle. Ce réflexe est à l’inverse de la pub commerciale, où l’annonceur cherche justement à garder le contrôle.

La pub sociétale sur l’environnement réussira-t-elle à freiner la pub des bagnoles? Faudra demander aux communicateurs, ce sont les mêmes.

La pub commerciale est une greffe qui ne prend pas. On a beau chercher bien des trucs pour accoler une image à un produit, la pub demeure une intruse dans nos vies. J’en veux pour preuves les tentatives de l’industrie pour trouver sans cesse de nouveaux moyens de nous rejoindre, couplées à nos différentes stratégies de zapping.

Il y a une raison pour laquelle la pub sociale est gratifiante à son auteur. En tant que communicateur, je me sens utile quand je travaille pour une cause. Je la signe. Peu importe qu’on ne se tourne pas sur mon passage. Le plaisir ne vient pas du mot publicité, mais du mot communiquer.




jeudi 10 octobre 2013

Paul Desmarais


J'ai connu Paul Desmarais au début 2013. Comme bien des gens, je pensais le connaître, les autobus Voyageur, les assurances, le génie des affaires, les relations politiques, Power Corporation.

En 2003, je me suis retrouvé dans ses bureaux, au Centre de commerce mondial de Montréal. Il n'était pas là ce jour-là. Sur les murs, des toiles de Riopelle, pas des petites, des grandes comme ça. J’ai soupçonné les murs d’être hauts à cause de la grandeur des toiles. Dans la salle de conférences, les murs étaient tapissés de Krieghoff, le peintre hollandais de nos hivers. Plus que du goût, de la grandeur. Je me croyais en Italie, même si je n'y suis jamais allé.

J'ai connu Paul Desmarais au moment où Pierre-Karl Péladeau, de Québécor, préparait le passage de ses journaux du papier au numérique. Sa recette était simple: saccager, à coups de lock out et de mépris, le moral des artisans du Journal de Québec et du Journal de Montréal.

Pendant ce temps, Paul Desmarais s'assoyait avec ses gens des médias pour discuter du même passage pour les journaux de Gesca. Il en est sorti La Presse +, non seulement l'avenir du quotidien La Presse, mais du journal imprimé tout court.

Depuis, Péladeau a été éjecté de son entreprise. Paul Desmarais est demeuré l'âme de la sienne, il avait préparé sa succession.

Paul Desmarais n'a jamais dirigé les discussions avec les employés de Gesca. Sa vision et ses fils ont pris les choses en mains.

Paul Desmarais est un nouveau média. Je l'ai connu en voyant La Presse +, son héritage aux visionnaires.

Un visionnaire ne connaît pas de compétiteurs. Le seul qui puisse lui porter de l'ombre, c'est le temps. Aujourd'hui, le temps a gagné.





jeudi 3 octobre 2013

Jacques Parizeau


Pauline Marois n’a pas de très bons yeux. C’est écrit dans son regard. Les personnes intelligentes, celles qui portent une vision, ont une perspective dans le regard. Je parle de René Lévesque, de Lucien Bouchard et de Jacques Parizeau.

Une amie me disait la semaine dernière que Pauline Marois a une intelligence pragmatique, sa force est dans le quotidien. Je veux bien. La perspective du quotidien est de 24 heures, une fourmi ne fait pas une Reine. Pauline Marois a un regard à plat, 24 heures.

Aujourd’hui, Jacques Parizeau a publié une lettre dans le Journal de Montréal. Une lettre sensible à propos du projet de Charte des valeurs québécoises, celle dont on dit que le gouvernement de Pauline Marois n’a pas osé appeler la Charte de la laïcité. La lettre de Jacques Parizeau a été saluée par son ton tranquille, posé, le calme de la sagesse de celui qui a vécu. Pauline Marois a dit que la lettre de Jacques Parizeau serait reçue comme celle d’un citoyen. Elle n’a pas parlé du ton, elle n’a pas dit merci, elle l’a regardé de haut. Le regard à plat, comme du papier journal.

Jacques Parizeau est le plus grand commis de l’État que le Québec ait engendré. Avant d’être recruté par René Lévesque pour aller négocier la privatisation de l’électricité avec des financiers de New York, Jacques Parizeau était déjà reconnu comme un grand économiste. Il est non seulement allé à New York, il a écrit le premier projet économique du Québec moderne, la Révolution tranquille. Son regard ne s’est pas arrêté là. Il a offert au Québec des outils pour son développement économique. Les Québécois sont habiles avec des outils. Jacques Parizeau leur a offert des coffres, la Caisse de dépôt, la Régie des rentes du Québec. Il a même signé aux dirigeants du syndicat de construction FTQ, le chèque leur permettant de démarrer le Fonds de solidarité FTQ. Le chèque de dix millions est devenu la base d’un actif de neuf milliards.

Il y a près de 10 ans, Jacques Parizeau a été invité au Mali pour donner son avis quant au redressement des finances publiques du pays. Quand les Maliens lui ont demandé s’ils réussiraient à faire le ménage dans leur fouillis, il leur a dit vous allez y arriver. Je n’y étais pas, j’ai imaginé le sourire en coin et le regard du sage qui a vécu. Les Africains aiment les sages qui ont vécu. Ils ne les considèrent pas comme des citoyens ordinaires, mais comme une partie de leur avenir. Quand les mêmes Maliens m’ont conté l’histoire, il y a deux ans, j’allais écrire un plan de communication pour le ministère de l’Économie et des Finances, pour le redressement des finances publiques du Mali. Grands sont les souliers de Jacques Parizeau.

Il y a deux semaines, j’ai assisté à une conférence en l’honneur d’Abdou Diouf, ancien président du Sénégal et Secrétaire général sortant de la Francophonie. Jean-François Lisée, actuel ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur du Québec, a ficelé un de ces discours en l’honneur de M. Diouf, que seule l’intelligence permet d’écrire. Une grande finesse, une belle sensibilité, devant 400 personnes. J’ai dit à ma voisine de table que c’est ce genre de discours qui nous manque, au Québec. Pour cela, il faut savoir lire.