Dans la nuit, un homme fume une cigarette.
Il porte à la tête une lampe de mineur, elle occupe la place de la lune. Son
regard respire le drame. Il a l’air tellement dans sa bulle, je ne sais pas
s’il voit sa cigarette. La légende de la photo dit qu’il est mineur à Bani et
que les conditions sont difficiles.
Je ne savais pas que Bani est une ville au
nord-est du Burkina Faso. Mais je savais que cet homme fait face à des
conditions difficiles, car il est Noir. Une vie difficile pour un Noir en
Afrique, c’est un pléonasme. Il ne faut quand même pas croire que les mineurs
noirs d’Afrique vont travailler en Cadillac. Mais la photo est belle. Elle a
remporté un prix au World Press Photo
2016.
Dire d’une photo de mineur miséreux qu’elle
est belle, c’est lire ce texte et souligner la beauté de la typo. Le texte
raconte les dures conditions de vie dans les mines de Bani, au Burkina Faso. Commentaire
du lecteur : wow, du Arial 12 points.
La photo de la misère est une photo, pas la
misère. Celles que j’ai vues du World
Press Photo 2016 cadrent la misère humaine, la photo est belle.
J’ai déjà demandé à mon ami Robin Simard
es-tu capable de faire une pas belle photo? Il n’a pas réussi à me répondre.
Robin est photographe professionnel. Son travail consiste à magnifier les
choses, à leur donner le sens de son imaginaire. Robin a un très bel imaginaire.
Il est incapable de faire une pas belle photo.
Il y a plusieurs années, avec mon ami
concepteur Cédric Loth, nous avons voulu tourner un spot de pub. Devant un
téléviseur, la clientèle du restaurant portugais Doval regarde les débuts de la
télésérie Blanche. Au fond, derrière son comptoir, le propriétaire du
restaurant regarde aussi la télé, accompagné de son gallon de vin rouge. Nous
voulions le vrai monsieur, ses cheveux bouclés, sa moustache, avec la vraie
clientèle, les vraies bedaines, le vrai décor et le vrai gallon. Nous n’avons
jamais réussi. Pas à cause de règlements syndicaux, à cause de l’image. Les
publicitaires ne savent pas penser autrement que par un prisme magnifiant. Elle
est belle la pub, presqu’aussi belle que la typo. La vedette de la photo n’est
pas le mineur mais le photographe.
Il y a beaucoup de nous dans cette photo, la
misère des autres sur papier glacé. Mais nous ne sommes pas des mineurs et nous
ne sommes pas Noirs.