Je suis à l’hôtel-musée Premières nations, à Wendake, en territoire
Huron-Wendat.
Territoire autochtone. C’est un pléonasme. Tout le Québec, toute l’Amérique
est un territoire autochtone. Il faut le dire aux enfants.
Je suis venu chercher un enseignement que l’école ne m’a jamais donné. Remettre
mon histoire à l’endroit, avec ses personnages vrais.
Pour écouter le téléjournal, j’ouvre la porte patio. Derrière, la rivière
St-Charles gronde. Sa rumeur monte aux chambres.
La rivière apporte des nouvelles de l’amont. Elle prend des miennes au passage
et les porte vers l’aval. Un flot de nouvelles.
Avant-hier, j’ai dormi chez Isabelle et Cung, à Grondines, près du fleuve. Le
St-Laurent est moins bruyant que la St-Charles, quoique.
Grondines tire son nom de ce que le fleuve gronde, mais pas trop. Le fleuve
n’a pas à monter le ton, majesté oblige.
Pour ajuster le volume des nouvelles, j’ouvre ou ferme la porte.
Je n’ai pas aimé l’école parce qu’elle ne m’a jamais enseigné le
fantastique.
Le catéchisme et le par cœur. Réponds, mon garçon, qui est Dieu? Dieu est
un esprit; où est Dieu? Dieu est partout. Imbéciles.
Et les cours d’histoire, marinés d’idéologie. Les indiens sauvages et
cannibales, les curés saints et scalpés.
L’autochtone ne marine pas ses enfants. Il leur transmet l’héritage de la
terre et des ainés.
Mon école a raté sa vocation. Les crânes n’ont pas à être scalpés, mais
libérés.
Je trouvais le fantastique chez Tintin et dans les histoires de l’oncle
Paul. C’est bien beau le papier mais un jour, il faut en sortir.
J’ai longtemps pensé que le fantastique devait être loin pour l’être.
À la plage d’Ismaïlia, en Égypte, le café turc est servi dans des tasses en
porcelaine. Sur le fond blanc, les lettres canal de Suez, bleues et griffées en
arabe.
Le canal de Suez. Mon café est en Afrique. Mon regard est en Asie, sur
l’autre rive.
Soudain, le bateau de Paul Nizan passe devant moi, en 1926. Direction :
Aden - Arabie. J’ai beau être loin, le fantastique est à deux pieds de moi, au
fond d’un livre.
L’école m’a enseigné l’ignorance, à l’époque où on disait que la révolution
était tranquille. Faudrait se décider.
Il ne faut jamais attendre pour s’instruire. Lire, s’est se rapprocher du
temps perdu.
Pour se convaincre de sa supériorité, le Blanc enterre tout ce qui ne l’est
pas. Voyez les grues au centre-ville.
La nuit en a été une de nouvelles en continu.
En quittant la chambre, j’ai laissé la rivière allumée.