vendredi 8 décembre 2017

L’honneur des animaux sauvages



Serge Bouchard demande à quoi servent encore les animaux sauvages. Eh oui, les animaux sauvages ne sont plus ce qu’ils étaient.

J’ai beaucoup lu Serge Bouchard. Je n’avais pas encore tout vu.

L’imaginaire de l’urbain n’est pas celui du chasseur. Il met tout dans le même panier des petits becs à donner sur le museau d’un blanchon.

Je lis plus de mille textes par an pour mon cours de rédaction à l’université. Le plus difficile est d’évaluer. Il y a des textes et il y a des textes remarquables, un ou deux dans l’année.

Pour les autres, la structure, l’orthographe, la syntaxe et le style servent de repères quand vient le temps de noter. Mais encore là, ce n’est pas si simple. Un texte peut avoir du coffre et contenir des fautes d’orthographe, bref.

Un texte remarquable est une émotion. Nous ne sommes plus dans les mots mais dans leurs images.

Serge Bouchard l’anthropologue en compte plusieurs dans sa besace.

Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur Innu. Les propos du chasseur ont été enregistrés par l’anthropologue, traduits et écrits. L’écho vient du bois.

Elles ont fait l’Amérique, Ils ont couru l’Amérique. De remarquables oubliés, femmes et hommes qui l’ont modifiée. Nous sommes dans le documentaire des sentiers, du froid, de l’ours et de la souffrance.

C’était au temps des mammouth laineux et Les yeux tristes de mon camion sentent le diesel. Le son est une gracieuseté de la combustion.

Le son du diesel est beau comme un accord de mi septième.

Le nom du livre est Objectif Nord, au-delà du 49è, écrit avec Jean Désy. Le nom du texte est L’honneur des animaux sauvages, entre les pages 124 et 131. Les autres pages sont aussi animales.

Parler du nord au-delà du 49ème parallèle. Le nord sans plan. L’habitat, le terrain de chasse. Du documentaire littéraire. Lorsqu’on efface les traces de l’homme et de la femme, il reste un regard.

Un texte remarquable est un animal sauvage.

Par moins quarante, un lynx est étendu sur le capot chaud d’un camion. Le moteur tourne au ralenti, comme une chaise berçante. Le monde des tentations ramollit la discipline millénaire du félin nordique. Il s’était donné un moment de chat.

C’est de la littérature. Plus de cinquante ans à parcourir ces contrées donnent aux mots de Serge Bouchard une encre d’espaces et de froid.

Je ne sais pas si le mot sauvage convient. Le sauvage est indompté. Le nord dont il est question ici est le meilleur ami de l’homme. Ils vivent ensemble depuis quinze mille ou trente-cinq-mille ans. Nous sommes témoins d’une fusion.

Ce livre est un remarquable publié. Si vous ne le trouvez pas, regardez sur une carte. Au-delà du 49è parallèle, les mots courent les caribous.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire